26 octobre 2009

Lean et informatique

Par Xavier Perrin (xperrin@xp-consulting.fr)

Le consultant "lean", lorsqu'il accompagne une entreprise sur la voie du lean manufacturing, a généralement une attitude très méfiante vis à vis des solutions informatiques. Cela veut-il dire que lean et informatique ne font pas bon ménage ? Un des principes de base de l'approche lean est l'élimination des activités sans valeur ajoutées (muda).

Améliorer la performance de ce point de vue signifie, après avoir déterminé ce qui crée de la valeur pour les clients, identifier et éliminer toutes les activités qui n'en créent pas. La boîte à outil lean met à notre disposition toute une série d'outils pour dénicher les gaspillages et les éliminer.

La technique de cartographie des flux de valeur (VSM : Value Stream Mapping) est ainsi incontournable. Or, une cartographie réussie ne dépend pas du fait d'utiliser ou non un outil informatique approprié. Je dissuade même les équipes lean de les utiliser dans un premier temps. Pourquoi ? Parce qu'une cartographie est avant tout un travail collectif réalisé sur le terrain, avec les acteurs du processus. L'adhésion et l'implication des personnes est le facteur clé de succès.

Tracer la cartographie sur une grande feuille de papier craft collée sur un mur, dans un coin de l'atelier est de ce point de vue beaucoup plus rassembleur que d'utiliser un logiciel. Tous les acteurs sont au pied du mur (c'est le cas de le dire !) et disposent du même bagage pour identifier les gaspillages : leur connaissance du terrain (gemba) et leur bon sens. Cela veut-il dire que les solutions informatiques pour réaliser des VSM sont inutiles ? Peut-être pas. A condition qu'elles doivent être pensées comme un moyen de faciliter la mise en forme et les échanges au sein de l'entreprise. Elles sont pertinentes quand les équipes ont acquis une maturité suffisante quant à l'approche lean.

Les solutions APS (Advanced Planning and Scheduling) sont souvent citées comme "outil lean". Elles permettent d'optimiser des programmes de production dans des contextes de contraintes multiples, de faire des simulations que les spécialistes de l'ordonnancement seraient incapables de faire manuellement. Cependant, dans le cadre d'une démarche lean, l'objectif n'est pas de gérer des contraintes, mais de les éliminer ou de les réduire. Ainsi, les cycles de fabrication sont en soit des contraintes qu'il ne s'agit pas de gérer, mais d'éliminer. Les processus complexes, avec des transferts de production entre atelier, deviennent beaucoup plus simples à ordonnancer quand on a mis en place des îlots de fabrication. Par contre, lorsqu'un processus a été rendu "lean", que les gaspillages ont été considérablement réduits, mais que de nombreuses contraintes subsistent pour une grande variété de références, alors un APS permet indéniablement d'améliorer la pertinence des programmes de production. Il en va de même pour les solutions de MES (Manufacturing Execution System), qui présentent un intérêt limité quand les cycles sont réduits de 80% après un chantier lean. Lesquelles solutions MES sont néanmoins bien utiles quand il s'agit de garantir la traçabilité de certaines fabrications. En conclusion, il n'y a pas d'incompatibilité entre lean et informatique, bien au contraire. Les solutions offertes aujourd'hui permettent de renforcer les améliorations obtenues par l'élimination des gaspillages. Les amateurs de rugby diraient quelles permettent de transformer l'essai. Mais il faut d'abord marquer l'essai. Et ce qui est vrai pour le rugby est vrai pour l'entreprise : c'est avant tout affaire de jeu collectif.

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