03 octobre 2015

Das Skandal

Par Xavier Perrin (xperrin@xp-consulting.fr)

L'affaire Volkswagen a monopolisé les grands titres de la presse au cours de la semaine passée. Je n'ai pas pu lire tous ces articles, mais j'en ai lu beaucoup. La plupart des journalistes y commentent la chute du cours de l'action de groupe, comment l'administration des USA a été trompée (comme celle d'autres pays d'ailleurs) et comment les clients ont été eux aussi trompés. D'autres auteurs spéculent sur les raisons qui ont poussé les dirigeants de VW à prendre une telle décision.

Etonnement, je n'ai lu aucun article évoquant le fait que les employés de VW ont été trompés.

VW a atteint la première ou seconde place des constructeurs automobiles. Une telle performance n'est pas le fruit du hasard. C'est le résultat de longues années d'excellence en R&D, en marketing et vente, d'une saine gestion des finances et de l'excellence à produire des automobiles réputées pour leur qualité élevée. Une telle excellence n'a pu être atteinte sans un engagement total de tous les employés.

En lean management, on explique que le "respect des employés" est la condition pour l'amélioration continue et la réussite.

Respecter les employés, cela veut dire :

  • Créer un environnement de travail où la sécurité et la santé des employés est garantie : les employés ne peuvent pas consacrer leur énergie et leur créativité à améliorer la performance de leur entreprise s'ils sont préoccupés par le risque d'avoir un accident ou de tomber malade en venant travailler.
  • Formuler et partager la vision de l'entreprise. Définir des objectifs clairs à partir de la déclinaison des objectifs globaux de l'entreprise (Hoshin Kanri).
  • Faire confiance aux employés pour relever les défis de l'entreprise. Ne pas attendre des employés qu'ils fassent ce que leurs managers considèrent qu'ils ont à faire. Les former et leur apporter les connaissances pour qu'ils résolvent eux-mêmes les problèmes. Ne pas leur dire ce qu'ils ont à faire. Plutôt, leur dire pourquoi ils doivent le faire et ils sauront comment le faire.

Le cas VW soulève des questions fondamentales : comment les employés peuvent se sentir respectés quand leurs dirigeants ont pris une décision – utiliser un logiciel pour truquer les tests d'émission de gaz – qui peut avoir des conséquences terribles pour eux ? Quelles peuvent être les conséquences d'une chute des ventes ? Combien d'emplois pourraient être menacés ? Quelles pourraient être les conséquences d'une perte de confiance des employés envers leurs managers ? A quoi vont ressembler les réunions "debout" quotidiennes dans les ateliers ?

Malheureusement, ces questions n'ont été soulevées dans aucun des articles que j'ai lus récemment à propos de "Das Skandal"…

Commentaire(s) sur "Das Skandal"

  1. Bonjour Xavier,

    Les employés (du moins certains) n'ont pas forcément être trompé. Je t'invite à relire Hannah Arendt et son analyse sur le comportement des employés devant des directives avec le processus de déresponsabilisation qui l'accompagne.

    La notion de conscience n'est pas une valeur des entreprises à ma connaissance.

    Amicalement

    1. Certes Alain. C'est bien pour éviter le processus de déresponsabilisation que le lean promeut le respect des employés tel que je le rappelle ici.
      Si on considère le succès de VW, il est probable qu'il soit entre autre la conséquence d'une forte implication des employés dans le sens du "respect" promu par le lean. Donc que ces employés sont en grande partie "responsabilisés". Donc que l'impact de l'affaire en question sera sans doute beaucoup plus fort ici... Le talent des managers pour réinstaurer la confiance perdue sera déterminant.

  2. Bonjour Xavier,

    De même que le principe de l’empowerment permet à un opérateur d’arrêter la ligne en cas de défaut, il faut peut être renforcer le devoir de désobéissance dans les entreprises quand une tromperie est identifiée ?

    Guy

  3. Dans nos entreprises occidentales, il faut tenir compte aussi du sens de la responsabilité sociale de l'entreprise et comme de son personnel.
    Pour le premier: voir sur le site de VW sa politique de CSR.
    Pour le personnel: voir les aspirations de plus en plus fréquemment affichées des individus dans nos contrées, avec les questions émergentes de désobéissance civique par exemple.
    Un personnel trompé dans ses valeurs profondes, trompé par le double discours de l'entreprise... quelle valeur d'exemplarité donne la direction?
    çà n'engage que moi: ce qui s'est passé chez Air France, entreprise assez conformiste par ailleurs, traduit aussi une exaspération; provoquée par quoi? par quelle trahison?
    (ce qui ne rend pas cela excusable au demeurant.

  4. bonsoir,

    Merci pour cet énième éclairage Xavier.
    Pour ma part je vis un expérience multiculturelle (France et Suède) où l'on cherche à imposer une manière de faire. Et l'autre, lui demande t-on son avis? non, applique et tu verras... la désobéissance doit intervenir pour devenir responsable. Quand les actions décidées n'ont pas de sens, que nous ne sommes pas impliqués, que le dictact est fort, l'homme pert sa motivation et forcément le plaisir.
    Et oui, l'homme est le moteur de l'entreprise, l'écoute son essence et le management participatif son GPS.

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